Toyota Algérie modifie son cap

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Toyota Algérie, qui distribue les marques Toyota, Daihatsu, Subaru et Hino en Algérie, compte revoir sa stratégie commerciale suite aux bouleversements qui ont secoué le marché automobile local causant un recul notable des ventes du groupe notamment dans le segment des VP. La nouvelle vision de son directeur général commence par un repositionnement dans tous les segments en lançant plusieurs nouveautés. (Interviewé par Hamid A)

Auto-utilitaire.com : Quel bilan faites-vous du premier semestre 2010? Et Comment vont les affaires chez Toyota Algérie après l’application des nouvelles dispositions (Crédit documentaire, délocalisation des débarquements des voitures vers d’autres ports…) ?

M.Hassaime : Les estimations de l’activité commerciale du premier semestre indiquent un déclin du marché automobile d’environ 13 à 15% par rapport à la même période en 2009. Il s’agit d’un taux très important causé principalement par la suppression du crédit à la consommation initiée par la loi de finances complémentaire (LFC 2009). Il faut savoir que quand on parle d’un recul des ventes de 15%, la situation dans le détail est un peu plus inquiétante notamment quand on épluche les résultats par segment où on trouve que les ventes de véhicules de tourisme ont chuté  de 20% voir de 40% pour certains autres segments.

Par contre, la situation des ventes de véhicules utilitaires est meilleure que celle des VP, notamment les pick-up où les ventes sont plutôt tirées vers le haut. Cette situation déréglée ne joue pas en faveur des concessionnaires car nous n’arriveront pas à bien nous organiser pour anticiper les commandes et prévoir les stocks nécessaires.

Toyota Algérie subit donc la situation du marché en général et marque un déclin dans le volume des ventes mais heureusement pour nous, ce déclin ne concerne pas nos parts de marché qui n’ont été amputées que de 0.1%, donc nos parts de marché sont maintenues. Cette situation est le résultat d’une perte importante de parts dans le segment des VP compensée par une nette évolution de parts dans le segment des VUL.

Globalement, Toyota Algérie ne perd pas beaucoup en parts de marché mais se voit bouleversée dans sa stratégie de rééquilibrer les ventes de VP par rapport aux ventes de VUL. C’est un premier bilan que je fais aujourd’hui du marché.

-Toyota Algérie cherche donc à se repositionner sur le marché notamment avec les fluctuations du Yen qui pèsent aujourd’hui sur les prix des véhicules  en Algérie. Comment y allez-vous procéder ?

-Pour nous, la stratégie doit tout le temps être revue parce que nous évoluons dans un marché immature. Nous sommes dans un contexte algéro-algérien miné par des paramètres exogènes très versatiles, notamment ces deux dernières années, qui ne permettent pas de mener à bien une stratégie à moyen ou à long termes. La force d’un concessionnaire automobile actuellement en Algérie réside dans sa capacité à s’adapter constamment à toutes les situations.

Je pense que notre stratégie dans ces conditions s’articule autour de la nécessité de maintenir notre position confortable dans le segment des utilitaires si ce n’est de la renforcer.

Le deuxième axe de cette stratégie concerne le segment des véhicules touristiques afin de minimiser le déclin, car c’est dans ce segment que nous souffrons et nous ne sommes pas du tout aidés par la lettre de crédit bancaire, le transport des véhicules à partir des ports, le coût du transport, les fluctuations du yen et du dollar… Il nous faudra une forte restructuration dans ce segment.

D’autres parts, il faudra maintenant accélérer notre stratégie par l’introduction de nouveaux modèles pour laisser le temps au client de connaître l’étendue de nos marques même si nous ne réaliseront que de faibles volumes, c’est une façon de retrouver la sérénité au moment où le marché retrouvera son train normal, là nous serons mieux lotis que si nous n’avions pas de nouveaux produits. Malheureusement, tout cela ne suffit pas parce que nous dépendons aussi de nos partenaires japonais, mais également d’aspects techniques. Dans cette vision, nous visons des marchés de niches comme le segment des MPV représenté chez nous par la Corola Verso, le segment de la Toyota Camry, celui des 4X4 par le Toyota Fortuner sans oublier notre volonté d’introduire la petite citadine Aigo.

Sur le plan organisationnel interne, il est temps pour nous de doubler nos efforts pour nous réorganiser, pour former notre personnel.

– Petit à petit Toyota Algérie introduit des véhicules dotés de motorisations diesel D-4D. Quels seront les prochains modèles à introduire et est-il facile de convaincre les japonais?

-Nous allons d’abord tout faire pour lever les réserves techniques imposées sur notre marché par notre partenaire japonais. Ce qui est sûr c’est que nous introduirons 3 ou 4 modèles d’ici fin 2011, il s’agit du 4×4 Fortuner, de la Corola Verso, de l’Aigo et de la Toyota Venza.

Ce sont là les modèles sur lesquels nous travaillerons et essayerons de lancer en Algérie afin de compléter la gamme. Après, notre priorité sera l’aspect marketing, le positionnement prix… nous ne voulons pas avoir ce handicap d’être absents sur un segment, c’est la stratégie primaire d’aujourd’hui de Toyota Algérie.

-La Toyota Avensis ne décolle toujours pas. Quelles sont, selon vous, les raisons ?

-Effectivement, les ventes de ce modèle ne sont pas au top mais cela ne nous étonne pas car son positionnement prix n’est pas avantageux du fait que son aspect qualité et richesse en options est au meilleur.

Il faut savoir que pour nous l’Avensis figure dans un segment fortement européanisé, dominé par des berlines européennes à très forte notoriété qui sont la Peugeot 407, la Volkswagen Passat et j’en passe. Nous sommes les touts derniers à proposer un modèle dans un segment très actif depuis une dizaine d’années en Algérie.
 
Avec l’Avensis, nous sommes partis dès le départ avec un handicap car son positionnement prix ne nous satisfait pas aujourd’hui, nous sommes en contact permanent avec nos partenaires japonais pour essayer de se repositionner l’Avensis. Notre stratégie est entrain de se réajuster de manière à se positionner dans des segments où nous n’avons pas une forte notoriété aujourd’hui mais qu’on atteindra forcément dans trois ou quatre années si on se positionne dès aujourd’hui avec des modèles phares comme le Toyota Prado par exemple.

– Justement quels sont vos objectifs sur ce segment avec l’arrivée du nouveau Prado ?

 
-Pour cette année nous ne pourrons pas faire un grand volume sur ce segment, c’est-à-dire une quarantaine d’unités pour faute d’allocation par nos partenaires japonais. Néanmoins, nous perlerons beaucoup plus d’une année pleine à partir de 2011 où notre objectif est fixé à 200 unités.
 
Il faut savoir que ce segment est raffiné sans être luxueux, un segment où l’aspect richesse d’options prime et dont le coût se situe aux environs de 6 millions de dinars.

– Hilux réalise une progression de 8% et confirme son leadership en Algérie dans son segment. C’est certes une aubaine pour vous mais ne pensez-vous pas que ça reste une arme à double tranchant en s’appuyant sur un seul modèle pour faire tourner la machine ?
 
-Effectivement cette stratégie a bien fonctionné lors des exercices 2007 et 2008 avec un équilibre de nos ventes qui donnait  au segment des véhicules de tourisme 45% de parts de nos ventes. Malheureusement, les paramètres extérieurs ne nous ont pas aidés pour revoir notre stratégie et nous avons payé les frais de tout cela mais ce n’est pas grave.
 
Il ne faut pas rester sur cette lancée en faisant du pick-up Hilux le gros de nos ventes et c’est pour cela que nous redirigeons notre stratégie en alimentant tous les segments du marché par de nouveaux modèles puis, dans un second temps, asseoir une diversification dans le segment des utilitaires comme on est entrain de le faire avec la diversification sur la marque Hino.
 
Nous essayons donc de diversifier notre business pour ne pas dépendre du pick-up Hilux. Il est certes le leader incontesté du marché et il a fait ses preuves car c’est un véhicule increvable, mais ce n’est pas une raison pour ne se baser que sur lui.

– Vous avez introduit récemment le Hino 300 Dutro appelé à remplacer le fameux Delta qui a cartonné en Algérie. Pensez-vous qu’il sera un digne successeur et quels sont les premiers résultats ?
 

-Toyota Algérie a commencé à commercialiser la Daihatsu Delta en 2002 par vendre 20 unités par mois, puis la cadence montait jusqu’à atteindre une moyenne de 300 à 400 unités par mois, il y a même un mois où nous avons écoulé 950 camions Delta … un véritable exploit ! Nous parlons ici d’un produit qui a détrôné tous les autres concurrents même avec son prix élevé.
 
J’ai toujours dit qu’il faut laisser un peu de temps au nouveau venu pour bien se faire connaître, d’ailleurs il ne sera pas trop difficile aux gens de s’en accommoder car le modèle Hino repose tout simplement sur l’ancien Dyna. La stratégie du groupe Toyota faisait que Hino produisait des camions badgés Toyota et le Dyna est en fait le même modèle Hino que nous venons de lancer en Algérie.

Aujourd’hui, nous faisons caravane un peu partout en Algérie pour essayer de faire connaître aux gens le nouveau produit même si nous n’avons pas encore de stock. Nous avons besoin de deux à trois mois pour manager notre stock et les choses devront aller pour le mieux, nous sommes très confiants. Nous n’atteindrons pas certainement la vitesse de croisière du Delta en un an mais au bout de trois à quatre ans, nous arriverons au même résultat.

– Toujours concernant Hino, il semblerait qu’une nouvelle version est en route à savoir le Hino 700 14 m3. Vous pensez le lancer quand ? 
 
-Les nouveaux modèles sont déjà arrivés et nous opérons les dernières retouches afin de les lancer très prochainement. Il y aura le Hino 700 et le modèle FS avec une déclinaison 14 m3, un modèle qui nous manquait réellement sur le marché.
 
C’est vrai que les prix sont en hausse par rapport à ce qui était auparavant avec l’ancienne gamme Hino des années 80 mais les professionnels prendront conscience de la qualité que Toyota Algérie leur offre.

– Pensez-vous que la reprise de la marque Subaru par Toyota Algérie soit une bonne idée? Quelles étaient les visées de votre entreprise par ce rachat ?

– Soyons honnêtes, la marque Subaru fait partie du groupe Toyota, il faut donc lui donner sa vraie valeur sans dénigrer ce qui a été fait auparavant par l’ancien distributeur. C’est une marque de niche, une niche qualitative exceptionnelle. Il n’était donc pas normal pour nous que Toyota Algérie distribue toutes les marques du groupe (Toyota, Daihatsu, Hino) et pas Subaru. Il était pour nous une question d’image pour Toyota Algérie et sur ce point, je pense qu’on a bien fait d’intégrer Subaru dans notre giron.

Concernant l’opportunité et le moment choisi pour cette opération, c’est pour nous un autre débat. Certes on pensait que c’était le bon moment parce que le marché était en voie de maturation, mais malheureusement, voyant les derniers évènements qui ont bousculé le fonctionnement du marché et de sa cadence de maturation, il y a effectivement droit au débat. Malgré cela, je pense que le déclin du marché n’est qu’un passage et tout passage a une fin.

Dans un marché immature, on aura à recréer l’image de la marque afin d’espérer une large clientèle dès que les choses se seront tassées, mais je peux vous dire que sans cela, nous enregistrons des clients qui viennent nous voir et sans commencer à leur parler de la marque ils disent qu’ils connaissent bien le produit. En fait il y a eu une certaine maturité individuelle des gens qui sont fans de la marque Subaru, chose qui nous a encouragé à lancer la Subaru SDI. L’avenir nous donnera certainement raison et la marque Subaru repartira dans le positif en Algérie.

– Avez-vous clôturé la vague de rappels qui a touché plusieurs modèles de Toyota ?
 
-L’opération de rappel qui a touché certains modèles Toyota en Algérie est à 80%. C’est une opération qui a participé à tisser une relation très forte avec nos clients qui étaient certes un peu inquiets au début de l’opération. 
 
Nous avons eu un écho très positif notamment à partir du moment où les clients ont vu comment on a géré le problème d’une manière professionnelle ce qui a conduit au renforcement de la relation avec les clients car ils ont vu que leur concessionnaire ne leur a rien caché au contraire notre communication concernant ce problème s’est faite sur les colonnes de la presse d’une manière transparente et nos clients se sont sentis entre de bonnes mains.

Nous avons choisi cette manière de communiquer parce que notre culture est bâtie sur la bonne communication extérieure. Nous avons des partenaires qui sont des clients d’abord, l’état et ensuite la presse et les médias d’une manière générale et tous étaient unanimes à reconnaitre qu’ils ont été très bien informés. Toute cette opération apporte à Toyota Algérie un plus de maturité qui nous sera d’un apport à l’avenir avec l’évolution du marché vers une vraie maturité.

– Parlons du service après vente chez Toyota Algérie; Quelle est votre situation et quel est le taux de satisfaction des clients? 

-Sur ce segment du business automobile, nous sommes en constante évolution. Au début, les clients cherchent le prix puis avec le temps ils comprennent bien que le plus important et le plus économique pour eux est la qualité du service et de la pièce de rechange.
 
La maintenance automobile chez Toyota Algérie est en constante évolution d’année en année. En 2004, nous étions les meilleurs de loin parce que nous étions les premiers à mettre en place un service après vente de haut niveau puis la fulgurante évolution du marché a fait que nous n’avions pas pu suivre cette cadence ce qui a perturbé le taux de satisfaction de notre clientèle.
 
Aujourd’hui, le marché accuse un ralentissement ce qui nous a permis de réajuster les choses en terme d’organisation. Nous avons beaucoup amélioré notre ‘’process’’, nous opérons des évolutions sur site avec des réalisations d’infrastructures nouvelles et d’équipements performants à la pointe de la technologie.
 
Actuellement, sur un point de vue commercial, je peux vous dire que c’est le volet qui nous permet de souffler et de maintenir le moral dans le marché automobile algérien grâce au service après vente qui fonctionne parfaitement en terme de satisfaction des clients qui sont très bien pris en charge au niveau de nos services en un temps court avec même des réajustements des horaires de fonctionnement du service après vente chez Toyota Algérie qui ouvre désormais à partir de 7h30 du matin.
 
Nous cherchons à travers tout cela la satisfaction des clients. Il y a quelques années, le souci pour eux était la disponibilité de la pièce de rechange, actuellement ce problème est réglé et ils sont à l’affut du concessionnaire qui les accueille bien et qui répare bien la panne de la voiture en un temps raisonnable. C’est un but que seulement les professionnels pourront atteindre.