La marque Hyundai, après son succès commercial en Algérie, se lance dans le montage de véhicules en Algérie en partenariat avec Global Motors Industries. Pour nous relater cette nouvelle aventure, M.Hogan Park, Directeur Général de GMI a bien voulu nous apporter plusieurs indications dans cet entretien accordé à auto-utilitaire.com et autoalgerie.com, dans lequel il met en lumière le fonctionnement de l’usine de Batna mais aussi les objectifs à atteindre à termes notamment en matière d’intégration, de qualité de la production, de l’exportation…M.Park s’inquiète tout de même de l’accalmie qui règne sur le marché automobile en Algérie qui risque de compromettre le bon avancement de cette nouvelle aventure.
Auto-utilitaire.com: – Pouvez-vous nous donner un premier bilan de l’activité au sein de l’usine Hyundai de Batna et quels sont vos appréciations au jour d’aujourd’hui ?
M.Hogan Park: – L’activité dans l’usine de Hyundai à Batna a commencé depuis quelques mois mais avant d’aborder les résultats, il faut savoir que notre activité aujourd’hui se résume principalement en l’assemblage avec comme but ultime d’aller vers le CKD avec l’augmentation du taux d’intégration.
J’ai opéré plus de 14 ans au sein du Groupe HMC (Hyundai Motors Company) où j’étais en charge du marché de l’Afrique du Nord (Algérie, Maroc et Tunisie), et si je fais un comparatif entre ces trois pays je dirais que l’Algérie doit redoubler d’efforts pour développer un tissu industriel. Toutefois, le pays reste très prometteur, il aspire à un développement industriel notamment avec l’application très active du gouvernement Algérien, ce qui est une excellente chose.
Aujourd’hui, nous concernant je dirais que je ne suis pas satisfait à 100% des résultats vu qu’on opère dans un environnement qui ne nous permet pas d’avoir un grand taux d’intégration, il est marginal aujourd’hui.
En Algérie et dans le monde du camion et du véhicule utilitaire en général, nous sommes aujourd’hui le premier industriel qui s’est lancé dans un projet avec une très large gamme de modèles assemblés dans notre usine de Batna et ceci grâce à la politique de développement du secteur initié par le gouvernement, qui nous a permis d’investir dans un tel projet et de contribuer par la même occasion au développement économique du pays.
– Comme vous venez de l’indiquer, la gamme de camions Hyundai assemblée à Batna est très large. Pouvons-nous avoir une idée sur le nombre de chaines de montage et la répartition des modèles assemblés ? Qu’en est-il du segment des bus ?
– L’usine de Global Motors Industries qui assure le montage de camions Hyundai à Batna compte aujourd’hui trois lignes d’assemblage (A, B et C) avec lesquelles nous avons atteint un taux d’intégration avoisinant les 13%.
Les lignes A et B sont complètement fonctionnelles et la ligne C est en cours d’installation. Elle est dédiée exclusivement aux bus urbains, représenté par le County de 30 places. Cette chaîne sera opérationnelle d’ici le mois de mars prochain.
Sur la ligne A, nous assemblons les camions de petits tonnages situés entre 3.5 Tonnes et 9 Tonnes. Quant à la ligne B, elle concerne le reste de la gamme, de 12 à 35 tonnes. La capacité de production pour un shift de travail (une seule équipe) sans heures supplémentaires est de l’ordre de 5000 camions et de pas moins de 10 000 unités (hors bus) avec la mise en service d’une deuxième équipe.
Nous serons aujourd’hui et sur tout le long du premier trimestre de l’année 2017, les seuls à avoir une large gamme de camions petits tonnages assemblés en Algérie mais nous sommes tout de même surpris par la demande du marché qui reste relativement faible, c’est actuellement un marché calme.
Pour la partie bus, nous lancerons la mise en service de la ligne C pour l’assemblage du County dès le mois de mars prochain et nous serons fixés sur un volume d’assemblage, après la sortie des premiers modèles et en fonction de la demande du marché. Nous sommes en ce moment en train de faire des études pour connaitre le marché du bus, la capacité d’absorption, la nature et les besoins des clients.
Le montage des bus se fera en collaboration avec un partenaire de HMC en Corée qui compte investir avec GMI dans le projet des bus prévu à Batna. Il faut savoir que la chaîne d’assemblage est une extension de l’usine actuelle, car le montage de bus nécessite un traitement spécial qui obéit à des normes complètement différentes que celles du camion. Le partenariat que nous détenons aujourd’hui avec HMC nous permettra certes d’acquérir de l’expérience mais aussi et surtout un transfert de technologie.
– Les camions Hyundai assemblés en Algérie sont déjà commercialisés, quel est le premier retour clients sur ces produits made in Algérie ?
– Notre partenaire Hyundai Motors Company est à la fois exigent et intransigeant sur la qualité des camions assemblés. Du moment où le logo de la marque est visible sur les camions, ceci est un gage que le véhicule obéit aux mêmes normes que celles des camions assemblés dans n’importe qu’elle usine de la marque Sud-Coréenne.
Nous sommes très confiants par rapport à la qualité des camions qui sortent des chaines d’assemblage de l’usine de Batna, le constructeur est très strict et pour chaque véhicule qui sort des chaines, des contrôles sont effectués par trois ingénieurs qui sont en permanence dans l’usine, ponctués par un certificat de qualité qui fait office de quitus pour la mise en circulation du camion.
Nous avons aussi plusieurs ingénieurs qui nous rendent visite fréquemment pour contrôler la qualité des véhicules, mais pas uniquement, car l’ensemble de l’activité au sein de l’usine est inspectée, toute la chaîne doit être conforme aux normes dictées par le constructeur HMC.
Par ailleurs, et afin d’évaluer le travail de nos équipes au sein de l’usine dans le but d’offrir à nos clients Algériens des camions au mêmes standards que ceux importés de Corée, nous avons fait appel en fin d’année dernière à une équipe de vingt assembleurs vietnamiens issus de l’usine du partenaire de HMC au Vietnam pour assurer un transfert de technologie aux équipes locales.
Ces derniers ont travaillé sur l’une des deux chaines de montage avec les mêmes tâches confiées aux équipes Algériennes et je peux vous assurez que le résultat est très positif. Nos équipes ont assuré que la qualité du travail des véhicules était similaire aux rendements procurés par les Vietnamiens, ceci est considéré comme un gage de réussite pour nous.
Il est utile de signaler que le marché Vietnamien est considéré comme le premier marché à l’export pour HMC où pas moins de 10 000 camions sortent des chaines de production de l’usine.
– GMI s’est installée tout récemment dans de nouveaux locaux situés à Bab Ezzouar, qui feront office aussi de DG. Quels sont vos priorités aujourd’hui en termes de développement réseau ?
– Nous sommes présents aujourd’hui sur dix points, cinq succursales et cinq agents distributeurs, et notre objectif est d’atteindre le nombre de 20 d’ici la fin de l’année.
Par ailleurs, nous serons fortement présents avec des points de service pour la vente de pièces de rechange d’origine ainsi que pour la partie maintenance.
Sur le marché Algérien, le client n’est pas assez exigent, mais pour nous la priorité reste la qualité de service que nous offrons à nos clients à la fois sur la partie commerciale mais aussi sur toute la partie après-vente, qui reste le nerf de la guerre aujourd’hui. La satisfaction du client est une priorité pour GMI.
Pour cela, nous avons opté pour une politique de rapprochement avec nos clients qui sont d’ailleurs considérés comme de vrais partenaires. Pour cela, nous avons lancé une opération que nous avons baptisée « Fleet Before Service » pour la partie après-vente, qui consiste à aller à la rencontre de nos clients flottes (privé ou public) avant que le besoin d’acheter ne resurgisses chez eux.
En compagnie de nos ingénieurs et de plusieurs experts dans plusieurs domaines techniques, nous avons mis sur place une caravane avec deux équipes techniques qui se sont déplacé vers les régions Est et Ouest pour rencontrer nos clients flottes. Ils ont opéré des opérations de vérification des camions, donner des conseils d’entretien, changer des pièces si besoin est, offrir des forfaits d’entretien… et aussi profiter pour prendre des commandes. Le résultat de cette campagne est plus que satisfaisant, et les clients ont fortement apprécié l’initiative. Nous allons rééditer très prochainement cette opération dans le but de se rapprocher de nos clients flottes.
Pa railleurs, dans cette opération je ne vous cache pas qu’il y a une partie de prospection commerciale à laquelle je participe en tant que directeur général, en compagnie de nos commerciaux. Pour nos clients, c’est vraiment un gage de confiance, surtout que ces derniers n’ont pas l’habitude de voir un DG venir les voir pour leur vendre des camions. C’est une réussite totale.
La seconde action que nous avons entrepris en direction de nos clients « partenaires » en matière de communication est de dire clairement que « vous n’êtes pas de simple clients, vous êtes des partenaires et nous mesurons pleinement vos besoins et vos attentes ».
Pour cela, nous mettons sur pied des campagnes de communication qui ne se résument pas uniquement à des propositions de remises ou d’offres commerciales, mais aussi, et comme nous l’avons fait récemment avec le lancement d’une opération de maintenance gratuite, « tout client qui achetait un camion au mois de février bénéficie d’une maintenance gratuite pendant une année, gratuité de la pièce pour nos clients flottes, des conseils pour bien gérer leur flotte, assurer la formation pour leur personnel de maintenance et nous avons même prévu l’envoi de techniciens de HMC pour les accompagner afin de mieux entretenir leur parc ».
Notre stratégie de communication et commerciale est vraiment basée sur la qualité du service qu’on offre à nos clients et le fait d’aller en premier vers ces derniers et assurer à nos partenaires clients flottes ainsi qu’aux sociétés importantes une présence continue.
– GMI a ouvert les commandes en décembre dernier pour le fourgon H350 assemblé en Algérie. Comment a-t-il été accueilli par la clientèle ?
– Le segment des fourgons reste très important et les clients aujourd’hui souffrent énormément de la non disponibilité des véhicules. Nous avons lancé le H350 en fin d’année dernière avec une ouverture des commandes à l’occasion de notre participation au salon de l’automobile d’Oran. Les premières livraisons seront effectuées dans les prochains jours et nous espérons répondre pleinement aux demandes des clients, cela est notre mission.
– Avez-vous l’intention dans le futur de vous lancer dans des opérations d’exportation de vos produits vers des pays de la région ?
– Aujourd’hui si on doit parler d’exportation, on doit aborder deux facteurs très importants.
Le premier est le taux d’intégration ainsi que le prix de revient du camion car la première chose importante est la compétitivité sur le marché international. Il faut être compétitif en termes de prix et pour cela il faudrait d’abord développer un tissu industriel avec des fournisseurs locaux de pièces ce qui permettra de réduire le coût de revient des véhicules assemblés en local.
Nous avons effectivement des projets dans les cartons mais la priorité c’est de stimuler nos partenaires locaux et soutenir le gouvernement qui fait beaucoup d’efforts pour stimuler ses partenaires et ses fournisseurs qui doivent participer à l’émergence d’une industrie automobile en Algérie.
Le second point qui reste lui aussi important est « la qualité » des véhicules assemblés en Algérie, car nous ne pourrons jamais exporter nos véhicules si la qualité n’est pas au rendez-vous et c’est là ou les sous-traitants doivent jouer un rôle important pour qu’ils puissent fournir le marché de pièces de qualité.
Sur ce point, je tiens aussi à dire que nous même seront partie prenante car nous avons des projets en cours notamment dans la partie carrosserie et pièces, mais je reste convaincu que c’est aux entreprises tiers de développer ce secteur car nous ne pouvons pas être partout.
Pour GMI, si les conditions sont là, nous serons les premiers à exporter avec comme premier marché les pays d’Afrique subsaharienne et par la suite s’attaquer à l’Europe, pourquoi pas, au moment où les marques Chinoises ont réussi à le faire.
– Afin d’augmenter le taux d’intégration et appuyer les entreprises locales, y a-t-il des partenaires de Hyundai en Corée qui ambitionnent de s’installer en Algérie pour vous accompagner ?
– Il y a un facteur très important si on parle d’industrialisation et d’exportation, c’est celui de l’investissement. Je dirais qu’on y travaille et personnellement en étant coréen, je dirai que je suis en contact avec plusieurs sociétés pour les convaincre de venir s’installer en Algérie.
Pour Hyundai Motors Company qui a déjà conclut des joint-ventures avec plusieurs sociétés notamment en Russie et au Vietnam, les discussions sont établies, ils sont très intéressés et la visite récemment en Algérie du Président de HMC chargé de la gamme de véhicules lourds en est la preuve. D’ailleurs il a rencontré des partenaires et des officiels Algériens, ce qui est déjà un pas en avant.
Je dirai que pour nous, notre mission serait d’attirer les investisseurs étrangers et de dire que l’Algérie est un marché porteur.
– Un dernier mot ?
– Global Motors Industries est aujourd’hui l’un des acteurs majeurs du développement industriel du pays notamment dans le secteur du camion, nous suivons les recommandations du gouvernement et notre politique est axée sur l’investissement et la progression. En étant les premiers à avoir répondu favorablement aux attentes du gouvernement, nous voulons participer au développement économique du pays en créant de la richesse, de l’emploi et en étant un partenaire solide pour appuyer le développement d’un tissu industriel.
Nous avons une longueur d’avance par rapport à nos concurrents et le challenge aujourd’hui est de faire tout pour garder cet avantage.